Warre et Sainte Gode


Michel Cosme, bâtisseur de l’oratoire de Warre

Posé en forme de croissant au bord du plateau de Tohogne, à la naissance d’une gorge boisée qui descend brusquement vers l’Ourthe, Warre, dont le nom a peut-être une origine germanique, doit sans doute son existence à l’une ou l’autre métairie franque. Le promeneur ne s’arrêterait peut-être pas en cet endroit si, à l’extrémité du mamelon, à gauche, ne se trouvait la curieuse églisette dédiée au Sacré-Cœur dressée là-haut dans la futaie regardant la contrée, regardant l’Ourthe qui contourne les flancs de la montagne et qui passe, tordant à longs replis son cours sinueux. Ici, le paysage est grandiose.

 

Une histoire sur laquelle plane un peu de merveilleux – encore qu’elle soit rigoureusement véridique – se rattache à l’existence de ce coquet sanctuaire.

 

Vers le milieu du XIXe siècle vivait à Warre Michel Destiné, lequel nourrit pendant longtemps le désir de doter le hameau d’une chapelle desservie. Il mourut sans avoir pu réaliser son dessein. C’est à un second Michel dont le nom de famille était Cosme (prononcé Côme en wallon liégeois) qu’échut la tâche d’élever ce petit temple.

 

Le 29 septembre 1843, dans l’humble demeure des époux Henri Cosme et Marie Pierrard à Warre/Tohogne naquit un cinquième enfant (le jour de la Saint-Michel) et on prénomma le nouveau-né du nom de l’archange. En avril 1850, son père, petit cultivateur et ouvrier agricole, mourut, laissant une veuve âgée de 52 ans. Afin d’alléger les lourdes charges de sa sœur, son frère, habitant Havelange, recueillit le jeune orphelin qui passa sa jeunesse dans ce nouveau foyer. Bientôt, il exerça la profession de boulanger. Il se révéla vite être un artisan et un commerçant avisé, ses activités lui amenant même une certaine aisance. Plus tard, il hérita du patrimoine de son oncle.

 

A 28 ans, il épousa Florentine Demblon (20/10/1840-26/06/1900). A ce moment, Michel Cosme était un homme assez banal. Il voulait être riche et rêvait d’une descendance. Malheureusement, sa femme fit de multiples fausses couches. L’espoir d’une maternité disparut. Pour comble de malheur, vers 1884, elle fut atteinte d’un mal qu’il redoutait tant pour lui-même : l’épilepsie. Tout cela l’amena au bord de la dépression. Il doutait de tout. Ses devoirs religieux, il les accomplissait par routine.

 

Dans un livre écrit en 1899 par M. le baron van Beneden (qui deviendra son bienfaiteur), il s’exprime en ces termes :

 

« Un jour, à bout de courage, je ne savais plus à quel saint me vouer. Je me trouvais à l’église ; tout à coup, il me vint une idée : je demandai à Dieu de m’accorder la grâce de croire, en Lui promettant de travailler à sa Gloire tout le reste de mes jours s’Il voulait m’accorder cette faveur divine. Et voilà qu’il me vint un frisson des plus étranges (…). Puis je me retrouvai moralement et physiquement tout transformé. Non seulement mes doutes disparurent, mais cet autre fardeau de malaise continuel n’existait plus. »

 

Cependant, l’état de santé de son épouse ne s’améliorant pas, ils partirent tous deux en pèlerinage à Lourdes en 1885. Florentine ne rentra pas guérie mais Michel Cosme fut très impressionné par le lieu des apparitions. Il y puisa une idée grandiose, voyant en la montagne de Warre, un « second Lourdes ». Il ne manquait au paysage que la cathédrale ; il rêva aussitôt de la construire. C’était là l’occasion de réaliser son vœu avec l’aide de gens importants et fortunés. Hélas, il constata bien vite que ces personnes, laïques et religieuses, restaient indifférentes à ses appels et ne le payaient que d’encouragements mitigés ! Qu’à cela ne tienne ! Ce qu’il ne pourrait accomplir en grand avec les nantis, il le ferait en petit avec ses seules ressources et avec l’aide des pauvres gens.

 

À la suite d’une visite qu’il fit à Warre, il raconte :

 

 

« Après avoir dîné chez ma sœur, je dis que j’allais me promener jusqu’à l’Hyménée (« Sol Falèye ») – c’est le nom de la prairie qui s’étend sous la montagne du sanctuaire et qui longe l’Ourthe –. Me trouvant arrivé au bas de la montagne, je demande la grâce de monter là comme Notre Seigneur avait monté avec sa croix jusqu’au Calvaire. Alors, avec mille souffrances (…) j’arrive au sommet. Tout à coup, je pris la résolution que, quand bien même je devrais mourir à la tâche, je continuerais. »

 

Et voilà notre homme échangeant avec son beau-frère son commerce et sa propriété contre une métairie havelangeoise et une soulte qui permit d’acheter le terrain et d’entreprendre les travaux tant désirés. S’étant installé à Warre, il se mit à l’ouvrage avec l’aide de trois maçons (ils se prénommaient tous trois Pierre ; un seul nous est connu : il s’agit de Pierre Dumont) s’improvisant architecte, tailleur de pierre, maçon, ardoisier, carreleur, transporteur… tout cela « à la gloire de Dieu ». En 1888, l’oratoire de Warre était terminé !

 

Ancienne façade de la chapelle (sans tour) avec ses bas-reliefs en ciment (à g. le Couronnement de la Vierge et à dr. la Pentecôte).

Ancienne façade de la chapelle (sans tour) avec ses bas-reliefs en ciment (à g. le Couronnement de la Vierge et à dr. la Pentecôte).

 

« Facilement, j’arrivai à bonne fin. Voilà donc un très beau sanctuaire dédié au Sacré-Cœur, construit sur la montagne ; 20 m de longueur sur 8 de largueur ; à proximité une belle maison pour le curé. »

 

C’est l’abbé Michel Ninane (ancien curé de Grandhan retraité à Biron) qui, le premier, accepta d’y résider. Mais son ministère fut de courte durée car 4 mois plus tard il vint mourir chez son frère à Tohogne. Michel Cosme ne parvint jamais plus à trouver un prêtre résident.

Adepte de saint Bernard, de Catherine de Sienne et de sainte Thérèse, Michel Cosme (1) cherchait à retourner aux sources des premières communautés chrétiennes, se créant une confrérie à l’image de son mysticisme. L’accomplissement de son vœu ne pouvait se limiter à ces constructions. La veille de Noël 1889, il fonda, avec sa femme et sept ouvriers, la Société du Sacré-Cœur dont il fixa à Warre le siège social et universel dont chaque commune du monde aurait sa filiale. Il en composa les armoiries : au milieu, l’image du Saint-Sacrement dans un cœur entouré des mots « Société du Sacré-Cœur ». Ce cœur est gardé sur la droite par saint Michel archange terrassant le serpent et sur la gauche par un ange clamant dans sa trompette le triomphe du combat. Sous eux : cinq têtes d’anges. Enfin : de chaque côté de l’écusson, une tête d’ange ; le tout surmonté de trois étoiles, symbole de la Sainte-Trinité.

 

Espèce de communiste d’après le Christ et d’avant Lénine, Michel Cosme était persuadé qu’avec les revenus de la Société, il pourrait procurer du travail aux chômeurs et venir au secours des plus démunis ; en somme, assurer un minimum vital à tous. Plutôt mégalomane, il espérait : construire une espèce de tour de Babel (dont les bas-reliefs représenteraient tous les métiers du monde) surmontée d’une lumière qui aurait illuminé toute la vallée ; relier par un souterrain la grotte de Warre à celle de Rochefort ; bâtir hôtels et restaurants ; fabriquer un élixir contre l’épilepsie et enfin créer une caisse sociale au profit des besogneux.

 

L’Allée du Rosaire (± 120 m) et son mur de soutènement dans lequel sont aménagées les niches en forme de cœur où étaient représentés les mystères de la foi.

L’Allée du Rosaire (± 120 m) et son mur de soutènement dans lequel sont aménagées les niches en forme de cœur où étaient représentés les mystères de la foi.

 

A force de ténacité, ne pouvant une nouvelle fois compter que sur ces deniers et sa seule énergie, il mit sur pied une fabrique de statues occupant quelques hommes. Il apprit le métier de statuaire sur le tas grâce à ses propres échecs et dans la douleur. Bientôt, il s’avéra que l’entreprise n’était pas rentable et ce saint homme se retrouva seul pour exercer son art. C’est lui qui réalisa les quinze Mystères de la Foi modelés en ciment de manière rudimentaire dans la muraille située en propriété privée et qui mène à l’église (Allée du Rosaire). Ces curieuses floraisons de l’esprit religieux de Michel ont été bien dégradées par les intempéries. Subsistent quelques personnages à l’allure naïve.

 

Incompris et abandonné de tous, cet apôtre désintéressé s’éteignit le 22 septembre 1901 sans avoir atteint le suprême dessein qu’il s’était assigné.

 

Michel Cosme fut sans doute un « illuminé » (2). Il fut en tout cas un homme de foi, profondément bon, humain. Il ne fut pas tout à fait un homme de ce monde. Il apparaît à notre mentalité matérialiste comme étant hors de son temps, comme un personnage mythique. Il connut l’incompréhension, l’isolement, bien des déceptions, des reproches et des refus, mais il resta fidèle, indéfectible à son engagement.

 

« Les hommes passent, l’œuvre survit ; il n’y a pas d’efforts inutiles » a écrit E. Zola. Le petit sanctuaire de style néo-roman classique se dresse toujours là-haut sur la colline qui domine la rivière. De chaque côté de l’oratoire, en retrait de la tour, deux reliefs façonnés par M. Cosme (l’Assomption et le Couronnement de la Vierge) surmontent encore chacun un étrange visage géant.

 

(1) Michel avait le teint clair, rosé, était élégant d’allure, la tête un peu chauve, le visage garni d’une barbe rousse épaisse avec poils blancs, les yeux bleus. Il s’exprimait avec difficulté mais possédait une grande clarté de pensée. Il était en perpétuel décalage par rapport à ses contemporains ; aussi les gens de son village le traitaient de fou, de doux rêveur. Cependant, il avait l’ardeur des premiers martyrs de la Foi, sa parole imposait le respect aux moins crédules de ses visiteurs. Sa voix était prophétique ; dans ses propos baroques éclataient des idées sublimes. M. Ch. van Beneden n’hésita pas à le définir comme un « nouveau Messie » venu sur terre pour rappeler au monde ses anciennes leçons. Comme le Christ, il avait la bonté ardente, l’amour immense, l’abnégation complète et le désintéressement absolu.

 

(2) « Tous les saints ont dû être des illuminés, tout au moins ont-ils dû paraître tels aux hommes de leurs temps ; car les saints sont des êtres extraordinaires qui ne peuvent passer au milieu des hommes comme de simples mortels. » (Abbé Daens)

 

 

Sources : « Michel Cosme, bâtisseur de l’oratoire de Warre, par François Bellin, article rédactionnel paru dans le journal « Les Annonces de l’Ourthe » du 28 mai 1982. – « Tohogne » par Jules Peuteman, journal « Touring-Club de Belgique » du 15 novembre 1924. – « Michel Cosme, un homme hors de son temps », par Adolphe Pickart, Bulletin historique « Terre de Durbuy », n° 13, 1985. – « Un saint d’aujourd’hui en Belgique », par le Baron Charles van Beneden, journal « La Gazette » du 27 novembre 1898. – « Michel Côme et la Société du Sacré-Cœur » par le Baron Charles van Beneden, Bruxelles, 1899.

 

Les deux prêtres résidents.

L’église, le presbytère, le « rosaire » (1), la propriété y attenant et quelques terres passèrent aux mains des héritiers qui, pour payer les dettes contractées par Michel Cosme au cours de ses travaux, durent mettre en vente ledit héritage. M. le baron Charles van Beneden, de Bruxelles, docteur en droit, inscrit au barreau de la Cour d’Appel de la capitale, se rendit acquéreur de l’ensemble. L’acte fut passé en l’étude de Me H. Philippart de Durbuy le 8 août 1902. M. van Beneden, homme de lettre distingué, s’était épris de Michel Cosme et de son œuvre ; bien souvent, il l’aida généreusement de ses deniers. Pendant six ans, il frappa sans succès à bien des portes pour procurer un prêtre aux habitants de Warre. De temps en temps, pendant les mois d’été qu’il passait à Warre, comme pour tenir les gens en haleine, il réunissait à l’église quelques personnes avec qui il récitait le chapelet, chantant des cantiques et à qui, parfois, il faisait une lecture pieuse. Néanmoins, tout se détériorait dans ce sanctuaire délaissé : l’intérieur comme l’extérieur était délabré ; le sanctuaire et le presbytère sentaient la moisissure. Dans le courant de juin 1908, Mgr Heylen, Evêque de Namur, se rendit à Durbuy pour administrer le sacrement de Confirmation aux enfants du canton. Dans sa promenade matinale, Monseigneur visita le village de Warre au sujet duquel on avait tant importuné la Chancellerie épiscopale. L’Evêque voulut voir, il vit s’en revint à Durbuy, tout disposé à accorder au prêtre qui le désirerait l’autorisation de se fixer à Warre pour desservir le village. La Providence intervenait visiblement.

 

 

A cette fête, à côté de l’Evêque se trouvait invité un prêtre originaire de Durbuy, l’abbé Joseph Lefebvre, alors curé de la paroisse de Rendeux-Bas au doyenné de La Roche. Quoique n’ayant pas tout à fait l’âge de la retraite, l’abbé Lefèbvre eut un vif désir d’être le prêtre du Sacré-Cœur de Jésus à Warre. Ayant grandi à Durbuy, il était connu, estimé et aimé des habitants de Warre dont les plus âgés avaient été ses compagnons d’enfance. Certaines difficultés subsistaient ; plusieurs mois furent employés à aplanir celles-ci. Finalement, M. le baron van Beneden fit une promesse de cession écrite le 1er octobre 1908. Cette promesse, il l’exécuta le 15 novembre 1908 en l’étude de Me Philippart de Durbuy, par une cession authentique notariée de l’église de Warre et tout ce qu’elle contenait.

 

Ministère de M. l’abbé Charles-Félicien-Joseph Lefebvre (1908-1912) (2)

L’abbé Joseph Lefebvre s’installa à Warre le 30 octobre 1908 et le lendemain 1er novembre, il dit sa première messe dans le sanctuaire du Sacré-Cœur. Bientôt l’abbé Lefebvre se mit à l’œuvre pour faire la toilette de son église d’adoption (travaux de peinture, réparations des autels, jubé, banc de communion, etc.).

 

Deux statues désirées par les habitants furent achetées par cotisations : celle de saint Quirin et celle de sainte Gode. (3) Elles furent exposées à la vénération publique sur les deux autels. L’avenir vit affluer vers ces deux statues les infirmes de la région pour obtenir la guérison de leurs maux.

 

Le chemin d’accès dit « du Rosaire » étant dans un état désastreux, M. l’abbé Lefebvre fit appel à tous les hommes (jeunes et moins jeunes) du lieu qui travaillèrent d’arrache-pied pour réaliser un chemin en pente régulière.

 

Le 30 janvier 1912, l’abbé Lefebvre mourut subitement à Warre. L’inhumation eut lieu le 3 février 1912, au cimetière de Durbuy.

 

Il se révéla être un bon gestionnaire, œuvrant sans relâche à l’embellissement de sa chapelle, grâce au concours et aux offrandes des paroissiens.

 

Ministère de M. l’abbé Jean-Baptiste Martilly (1912-1926) (4)

M. l’abbé Lefebvre étant mort, il fallut pourvoir à son remplacement. M. l’abbé Rulmont, curé de Tohogne, fit aussitôt appel au dévouement de M. le Doyen Martilly, que des raisons de santé avaient déterminé à solliciter sa mise à la retraite.

 

Le 17 février 1912, M. le Doyen Martilly arriva donc à Warre et s’installa au presbytère. Il fallait trouver le moyen d’appeler les fidèles dans le lieu saint car les deux clochettes existantes étaient à peine audibles des habitants. Le Doyen Martilly les remplaça par une belle cloche ; ce fut son don de « joyeuse entrée ».

 

En 1913, M. le Doyen fit bâtir une sacristie adossée à la chapelle. Les habitants amenèrent à pied d’œuvre, en corvées, les briques, le sable, la chaux et le ciment.

 

Le nouvel autel avait déjà beaucoup contribué à l’embellissement de la chapelle mais pour que celui-ci fût complet, il s’avéra judicieux de placer des vitraux dans les huit fenêtres. M. le Doyen, voyant l’empressement des paroissiens de Warre à le seconder, osa leur exposer son nouveau projet. Il demanda aux familles aisées de faire don, chacune, d’un vitrail au bas duquel leurs noms seraient inscrits ; lui-même offrit d’en donner un représentant son saint patron, saint Jean-Baptiste. M. le baron Charles van Beneden voulut aussi faire don d’un vitrail représentant son patron saint Charles Borromée, archevêque de Milan, auquel le peintre-verrier donna les traits de Michel Cosme, fondateur de la chapelle de Warre.Vitrail financé par les habitants de Warre.

Vitrail financé par les habitants de Warre.

 

La chapelle étant dédiée au Sacré-Cœur de Jésus, les autres vitraux reçurent, au centre, de petits médaillons représentant les instruments de la Passion de N.-S. On plaça, du côté de l’Epître : dans le chœur, le vitrail de M. le Doyen ; dans la nef du même côté : le vitrail des habitants de Warre, moins fortunés ; le vitrail de la famille Loneux et celui de M. Alexandre Comblin. Du côté de l’Evangile : dans le chœur, le vitrail de M. le baron Charles van Beneden, à la mémoire de Michel Cosme ; dans la nef du même côté : le vitrail de M. Toussaint Théate ; le vitrail à la mémoire de M. François Loneux-Laurent et le vitrail de M. Osterrath de Tilff, don du peintre-verrier, en reconnaissance des travaux que M. le Doyen lui avait fait exécuter à Vielsalm.Ancienne carte postale représentant la chapelle de Warre peu de temps après la construction de la tour.

Ancienne carte postale représentant la chapelle de Warre peu de temps après la construction de la tour.

 

Fidèle à la pensée qui le poursuivait de faire encore quelque bien avant sa mort, M. le Doyen entreprit un travail qui semblait au-dessus de ses forces, vu son âge avancé et le peu de ressources du village : celui de construire une belle tour en avant de la chapelle de Warre. Car il n’y avait qu’un semblant de clocher de quelques mètres de haut, la cloche étant suspendue entre la toiture et le plafond, aussi le son se perdait-il dans les combles et n’était presque pas entendu par les habitants. Il était nécessaire d’élever la cloche au-dessus du faîte du toit : il fallait donc une tour d’une vingtaine de mètres d’élévation. M. le Doyen ne recula pas devant cette entreprise. L’ouverture des soumissions et l’adjudication publique des travaux eurent lieu le 18 mai 1914. M. Edouard Lecrenier, maçon entrepreneur, soumissionnaire, fut déclaré adjudicataire. Comme pour la construction de la sacristie, l’abbé Martilly prit devant les autorités supérieures l’engagement de supporter personnellement tous les frais, déduction faite des subsides à accorder par les pouvoirs publics. Mais la guerre ayant éclaté le 2 août 1914 pendant la construction de la tour, l’Etat ne put payer son subside ; la Province seule paya sa part. M. le Doyen demanda simplement aux habitants de Warre de donner une somme globale de quelques centaines de francs, d’extraire les pierres et le sable nécessaires à la bâtisse et de les amener à pied d’œuvre en corvées. Les cultivateurs ayant des attelages firent les voiturages ; les autres travaillèrent quatre jours en corvée par famille.

 

La tour et la flèche de l’églisette en gros-plan.

La tour et la flèche de l’églisette en gros-plan.

 

Il fut procédé à la réception des travaux de la tour le 10 septembre 1914 par Désiré Lecrenier, dessinateur, auteur des plans et devis. Ainsi donc, peu avant la réception des travaux fut déclenchée la première guerre mondiale.

 

En 1916, une installation électrique fut provisoirement établie, de Barvaux à Warre, par Durbuy, par la « Société luxembourgeoise d’électricité ». Le pétrole manquant complètement et le carbure coûtant très cher, on installa l’électricité dans presque toutes les maisons de Warre. M. le Doyen voulut que la Maison du bon Dieu ne le cédât en rien aux autres maisons : il fit, avec ladite société, un contrat de trois ans (du 01/08/1916 au 01/08/1919).

 

Statue de sainte Gode abondamment fleurie à l’occasion d’un pèlerinage.

Statue de sainte Gode abondamment fleurie à l’occasion d’un pèlerinage.

 

L’année 1916 fut encore marquée par l’institution du pèlerinage à Sainte Gode. Depuis plusieurs années, M. le Doyen remarquait que, de toute la région environnante, on venait en pèlerinage à Warre en bien plus grand nombre qu’autrefois et il nourrissait le projet d’instituer à Warre un grand pèlerinage à sainte Gode invoquée contre les rhumatismes et les maladies de la peau. Son projet fut approuvé par M. l’abbé Rulmont, révérend curé de Tohogne et de Warre. Mais la guerre ne compromettait-elle pas la réussite de cette entreprise ? Ce fut tout le contraire. En effet, les personnes qui, avant la guerre, allaient en pèlerinage à Romsée-Fléron ne pouvaient plus y aller qu’à grands frais et encore, difficilement, les trains étant très rares pendant la guerre et mal organisés.

 

M. le Doyen invita les curés voisins à annoncer en chaire le pèlerinage, fixé pour chaque année au lundi de la Pentecôte. La messe fut chantée solennellement par M. le Doyen à 9 h. avec le concours de la grégorienne de Tohogne. La foule des pèlerins fut considérable ; on peut l’estimer à près d’un millier de personnes (470 dans la chapelle et plus de 500 dehors). Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître. Il fut décidé, dès lors, qu’on organiserait ce pèlerinage chaque année à la même époque.

 

En 1918, l’armée allemande fut mise en déroute et l’orgueilleux Teuton fut obligé de s’humilier et de demander la paix. L’armistice fut signé le 11 novembre, fête de saint Martin. Du 8 au 23 novembre, les Allemands repassèrent avec armes et bagages. Il fallut bien les loger. Immédiatement après les Allemands, les troupes anglaises défilèrent pendant 12 jours.

 

En 1920, malgré la chute de la main-d’œuvre et des matières premières, une souscription fut entreprise à Warre pour réaliser la polychromie de la chapelle. Peindre celle-ci, c’était la transformer à l’intérieur, c’était le couronnement de l’œuvre et les paroissiens le comprirent. Le 19 mai, la peinture était terminée, à la satisfaction générale.

 

En 1924 fut entreprise la construction d’un mur en briques au ciment sous la tour côté sud, pour empêcher le courant d’air qui était redoutable et qui refroidissait considérablement la chapelle.

 

M. le Doyen Martilly s’éteignit à Warre le 17 février 1926, administré de tous les sacrements. Il fut enterré à Saint-Vincent (Etalle).

 

L’Abbé Martilly, faut-il le dite, fut un prêtre grand format. Il avait une obsession : rendre la chapelle de Warre toujours plus belle, plus fonctionnelle. Et malgré son âge avancé, il entreprit d’importants travaux, un peu de manière téméraire. Et chaque fois qu’il annonçait de nouveaux ouvrages, le même miracle se reproduisait : les paroissiens répondaient de manière enthousiaste. Généreux, il était toujours prêt à éponger la dette par ses propres écus, rivalisant néanmoins d’ingéniosité pour solliciter la générosité et l’énergie de tous ses paroissiens. N’oublions pas non plus de rappeler que c’est lui qui institua le pèlerinage à sainte Gode.

 

Après la mort du Doyen Martilly, le Rosaire n’étant plus habité par un membre du clergé, cette propriété se délabrait lentement. Le professeur d’Université M. Albert Merten, époux de Mme Gilda van Beneden (fille unique du baron van Beneden) eut un entretien favorable avec l’évêque de Namur Mgr Heylen. En 1927, suite à cette entrevue, les Pères franciscains de Marche acceptèrent d’assurer le service dominical à la chapelle de Warre. En 1939, le village eut le bonheur de voir monter à l’autel un enfant du village, M. l’abbé Albert Houyoux, fils de Désiré et de Marie Sarlet, ordonné prêtre le 30 juillet à Namur. Il chanta sa première messe solennelle à Warre. Pendant ses études à Louvain et son professorat à Virton, l’abbé Houyoux se chargea de l’administration de son village natal. Ce furent les Oblats de Barvaux qui le remplacèrent.

 

En 1951, lors de l’arrivée à Tohogne de M. l’abbé Robert Seron, ils assuraient toujours le service dominical. De 1954 à 1956, ils furent souvent remplacés par M. l’abbé Wenin de Palenge, étudiant à Louvain. A partir du 27 janvier 1957, c’est M. l’abbé Seron qui reprit la charge de l’office qu’il célébrait à 9 h. 15. M. l’abbé René Forthomme, originaire de Tohogne, ordonné prêtre en 1962, étudiant à Louvain, puis professeur au Collège Saint-André à Auvelais dès 1965 et ensuite au Grand Séminaire de Salzinnes (Namur) entre 1973 et 1985, le remplaça à Warre le samedi chaque fois qu’il rentrait en famille le week-end. Il assura ce service jusqu’en 1983, année où il exerça un ministère en prison. M. l’abbé Seron, quant à lui, prit sa retraite en 1980.

 

Restauration de la chapelle en 1963 – M. Wéry de Marche fournit un cahier des charges, un descriptif des travaux, un devis estimatif, établit plusieurs exemplaires de métrés et remises de prix destinés aux soumissionnaires. M. Léon Mottet de Durbuy obtint le poste peinture ; M. Fernand Dujardin de Palenge, l’électricité ; M. Georges Huet de Tohogne, les toitures ; M. Joseph Lecrenier de Tohogne, la menuiserie ; M. Joseph Godefroid de Durbuy, la maçonnerie ; M. Wathelet, plafonnage et plinthes ; M. Lizen, les fenêtres ; la Miroiterie Hanin de Marche, le vitrage ; M. Wéry, les honoraires. Coût total : 152.990 F. La caisse de la chapelle paya la somme de 43.975 F. Mme Merten paya le solde. A l’occasion des travaux, la grotte à Notre-Dame de Lourdes fut démolie. En outre, bien des statues et peintures furent enlevées ainsi que l’ancien chemin de la croix.

 

En 1971 eut lieu la restauration du clocher suite à un coup de foudre qui souffla la plupart des ardoises du clocher. Comme la toiture avait 55 ans, on profita de l’occasion pour réaliser une restauration complète : nouvelles ardoises, remplacement de certaines voliges, tuyaux de descente et placement d’une tabatière. Le reste de la toiture fut aussi rénové. C’est M. Georges Huet de Tohogne qui réalisa ce travail en avril 1970. Coût total : 43.030 F. Enfin, en 1978, Mme van de Vyvère-Merten (fille de Mme Merten) fit placer à ses frais un chauffage dans la chapelle et un réservoir à mazout de 2.500 l dans la remise à charbon.

 

En 1980, M. l’abbé Claude Feuchaux (1980-2000) reprit le flambeau. Sous son ministère eut lieu une nouvelle rénovation de la chapelle. La toiture étant en mauvais état, l’entrepreneur tohognois Denis Schrooten rénova les toitures du chœur et du vaisseau en 1992, déplaça le chauffage vers la sacristie et construisit une nouvelle cheminée. Suite à des infiltrations, le plafond était bien dégradé. Celui-ci et les murs de l’église furent remis à neuf en 1993 par les peintres communaux. Ils employèrent des teintes de style baroque. Trois arbres furent abattus pour donner accès à la chapelle aux véhicules de service.

 

En 2000, arrivée du Père Jean-Louis Ducamp et, deux ans plus tard, de l’abbé Gabriel Bombro. Suite à une baisse sensible de la pratique religieuse, une messe y est seulement célébrée les 2e et 4e samedis du mois à 17 h. Subsiste également le pèlerinage à sainte Gode organisé le lundi de la Pentecôte et qui accueille encore près de 150 dévots chaque année.

 

(1) Chemin de 120 m de long ondulant sous les frondaisons qui relie le village à la chapelle de Warre. Dans le mur de soutènement bordant cet accès, Michel Cosme aménagea des niches en forme de cœur où il représenta à sa façon des personnages naïfs inspirés du Rosaire.

 

(2) L’abbé Charles-Félicien-Joseph Lefebvre, né à Durbuy le 31 juillet 1846, fut successivement vicaire à Bastogne et Thibessart, curé à Freux et à Rendeux-Bas.

 

(3) Saint Quirin, tribun militaire, était chargé de garder les chrétiens entassés dans les prisons de Rome. Il se convertit. Cela lui valut d’être supplicié : langue coupée, suspension au chevalet, mains et pieds coupés. On l’invoque pour obtenir la guérison des écrouelles, des fistules, des maux de jambes, de la paralysie, des maux d’oreilles, de la morve des chevaux. Sa fête se célèbre le 30 mars. Il est particulièrement honoré à Huy. – Sainte Gode (Gudule) se consacra à Dieu dès son jeune âge. Elle quitta ses parents et se retira dans une villa appelée Moorsel en Brabant où elle put se livrer à la prière, à la pratique des vertus et de la charité chrétienne. On l’invoque pour obtenir la guérison de la goutte, des rhumatismes douloureux dans les muscles des jambes. Sa fête se célèbre le 8 janvier (jour où elle mourut en 710). Elle est particulièrement honorée à Romsée-Fléron.

 

(4) L’abbé Jean-Baptiste Martilly, Doyen émérite, né à Saint-Vincent le 11 janvier 1848, fut ordonné prêtre en août 1873, vicaire à Neufchâteau le 24 octobre 1873, curé à Champlon le 14 septembre 1881, curé à Jamoigne le 25 septembre 1885 et Doyen à Vielsalm le 24 novembre 1891.

 

 

Sources : Registre paroissial « Liber Memorialis » pour Warre.

2023

29 mai, les pèlerins sont là et bien là !

L'oratoire est honorablement rempli: des gens venus de-ci, de-là pour célébrer ensemble l'eucharistie présidée par Antoine entouré de ses confrères, Jean-Pierre, Charles et Jacques.

Beau moment de prière, de communion, de recueillement.

Si chanter, c'est prier deux fois, alors cette assemblée à prier au moins 5 fois grâce à Pascal Deresteau et sa chorale du jour.